Edouard Pignon, artiste, ch'ti, ouvrier et antifa
Edouard Pignon est un artiste peintre né -par hasard- à Bully-les-Mines 12 Février 1905, décédé à Couture-Boussey le 14 mai 1993.
Fils d'un mineur et militant syndicaliste à Marles-les-Mines, il nait à Bully-les-Mines, près de Lens. Ses origines prolétaires sont déterminantes dans ses choix artisitiques. A l'école primaire, il doit subir les moqueries de certains de ses camarades qui voient dans ses cheveux roux et son goût pour le dessin des signes de faiblesse. En 1919, contre la volonté de ses parents, il se fait embaucher à la mine comme galibot. L'année suivante, il se fait manœuvre dans le bâtiment puis cimentier-plafonneur. Il part pour Paris en 1927, et travaille dans les usines Renault et Citroën. Il suit des cours du soir à l'Université Ouvrière ou il s'ouvre à la peinture et la sculpture. En 1931, alors que le marché de l'art s'est effondré du fait de la crise économique, il rejoint l'Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires. C'est alors qu'il adhère à la Section Française de l'Internationale Communiste. En 1936, dans le climat politisé du Front populaire, les jeunes autodidactes comme lui et son ami Boris Taslitzky cotoiet, des intellectuels reconnus comme Louis Aragon ou Walter Benjamin.
À ce moment, Pignon gagne sa vie comme un lithographe et maquettiste. Il fait la rencontre de Picasso en 1936 et est profondément impressionné par Guernica dans le Pavillon espagnol de l'Exposition Universelle de Paris. Lui-même est chargé de peindre un panneau de cinq mètres de l'entrée du Pavillon des Anciens Combattants et Mutilés de Guerre. Mobilisé dans l'aviation à Villacoublay, Pignon rentre à Paris en septembre 1940 et s'engage dans la Résistance. Pendant l'Occupation, il est actif dans le Front national des arts, et reconnu comme l'un des soi-disant «jeunes peintres de tradition française» à la Foire de mai 1941 à la Galerie Braun.
Après 1947, l'appel est lancé aux peintres communistes pour adopter le réalisme socialiste, Pignon s'oppose à cette ligne. Alors que son ami des mois de résistance André Fougeron a adopté un style réaliste socialiste sombre, influencé par David, Pignon a choisi l'option "Picassoïde".
En 1952, il présente une toile centrale dans son travail : L'ouvrier mort. Il s'agit d'une deuxième version, la première, datant de 1936, avait été inspirée par un accident au fond dont il avait été témoin alors qu'il était galibot. À bien des égards, cette version monumentale de 1952, de trois mètres de long, était son Guernica : avec la juxtaposition de la mort et de la maternité, d'une portée tragique et grandiose, la tonalité monochrome mouchetée de bleus et bruns est portée par une composition puissante basée sur la technique du clair-obscur.
Au cours de cette période d'après-guerre, Pignon travaille pour Jean Vilar et le Théâtre National Populaire, à la conception des costumes et des décors, notamment pour la Mère Courage de Brecht.
Pignon se tourne ensuite vers des thèmes ruraux, mais ils sont inévitablement liée à une vision héroïque du travail: des paysages, des paysans, avec des nus aux Oliviers peints à Vallauris (1953) et Sanary (1958). La série Les pêcheurs peinte à Filacciano en Italie, ou la fin de la série des hommes perchés dans les airs sur les poteaux télégraphiques (1981-82) illustrent une véritable bataille avec les éléments, A cette époque, il devient une sorte d'institution nationale . Pourtant, en dépit des rétrospectives en France en 1966 et 1970, et en Roumanie, la Hongrie et la Pologne dans les années 1970, son travail n'a jamais acquis une reconnaissance internationale.
Durant toutes ces années, Pignon reste au Parti Communiste. Ce n'est qu'en 1980 qu'il dénonce le "chauvinisme et la xénophobie" du parti qui soutien la guerre menée par l'armée de l'URSS en Afghanistan. Au cours de ses toutes dernières années, Pignon a perdu la vue, ce qui constitue une tragédie personnelle.
Pignon aura été toute sa vie dévoré par le besoin de peindre. Il n'aura eu de cesse de représenter la vie et la mort des humains au travail. Il est convaincu que servir le prolétariat par sa peinture nécesite de renouveler la forme de son art. Pour lui, l'artiste est un chercheur. Alors qu'il ne se reconnaît pas dans l'exigence de réalisme défini par le parti, Pignon ne le quitte pas, mais met son travail au service du théâtre. Nous nous reconnaissons dans Edouard Pignon, né dans le bassin minier, qui a cherché toute sa vie les voies pour servir le prolétariat, en antifasciste.